5. Numérique : limiter l’explosion des usages
Comment limiter à la fois le nombre d’écrans et les quantités exponentielles de contenus échangés et visionnés : c’est le défi posé par la sobriété numérique.
Réduire l’impact du numérique sur le réchauffement climatique est un vrai casse-tête car l’augmentation des usages du numérique est si rapide que les efforts mis en œuvre pour limiter ses effets sont aussitôt perdus. Les interactions avec des IA comme ChatGPT pourraient consommer 10 fois plus d’électricité qu’une recherche Google classique, d’après l’Agence internationale de l’énergie. À horizon 2030, si les usages continuent de progresser au rythme actuel, le trafic de données serait multiplié par six et le nombre d’équipements augmenterait de près de 65 % ! L’empreinte carbone du numérique en France augmenterait alors d’environ 45 % en 2030 par rapport à 2020 ce qui représenterait 25 Mt CO2eq contre 17,2 Mt CO2eq en 2020. Il y a donc urgence à agir sur deux tableaux : l’équipement et l’usage.
Limiter l’équipement
Limiter le nombre d’écrans (tablettes, ordinateurs portables) et allonger la durée de vie des équipements que l’on possède déjà, a un effet considérable sur la réduction de la pollution numérique. En effet, l’empreinte carbone du numérique dépend essentiellement de la fabrication des équipements. Car cette production utilise des métaux rares encore peu recyclés, dont l’extraction et le raffinage sont très consommateurs d’énergie fossile et d’eau.
« Avant même que nous utilisions notre dernier smartphone, il a déjà produit près de 80% des émissions de gaz à effet de serre qu’il émettra durant sa courte vie ! »
Avant même que nous utilisions notre dernier smartphone ou que nous ne branchions notre nouvel ordinateur, il a déjà produit près de 80% des émissions de gaz à effet de serre qu’il émettra durant sa trop courte vie ! D’où l’importance de ne pas changer de portable comme de chemise, de préférer des produits reconditionnés aux produits neufs, de mutualiser des équipements (imprimantes par exemple), d’éviter certains matériels qui consomment énormément d’électricité, comme les écrans géants, de préférer des vidéo projecteurs à des téléviseurs, plus gourmands en ressources. Et aussi de recycler nos anciens équipements dans des filières qui pourront les valoriser.
Un usage plus raisonné
Pour diminuer l’impact du numérique sur notre environnement, il existe quantité de petits gestes simples à faire, mais auxquels on ne pense pas, et que l’on peut diffuser à nos familles, nos amis, et nos collègues de bureau :
- Activer le wifi plutôt que d’utiliser son réseau 4 G surtout si on télécharge des fichiers ou que l’on regarde des vidéos en ligne.
- Supprimer ses mails au fur à mesure, car ils sont stockés dans un data center, qui consomme énormément d’électricité et d’eau pour fonctionner. Et privilégier pour la même raison le stockage de ses données sur un disque externe plutôt que sur le cloud, en triant en amont ce que l’on stocke.
- Baisser la luminosité de son écran, et débrancher ses appareils au lieu de les laisser en veille, ce qui économise de l’électricité et augmente leur durée de vie.
Enfin, la « sobriété numérique » passe en grande partie par une régulation des usages vidéo. Une étude réalisée par The Shift Project, think-tank qui œuvre en faveur d'une économie libérée de la contrainte carbone, montre que la lecture de vidéos accessibles via des plateformes comme Netflix sans que les fichiers soient téléchargés, aurait généré dans le monde en 2018, 300 millions de tonnes de CO2, soit autant de gaz à effet de serre que l’Espagne ! Tout ce qu’on appelle désormais « l’économie de l’attention », la consultation des réseaux sociaux, de vidéos incluses dans des tchats, est énergivore. Opter pour une certaine sobriété numérique c’est aussi limiter le nombre d’heures passées devant les écrans pour préférer des activités qui donnent plutôt l’envie d’agir, de sortir, d’aller vers les autres.
Plus simple à dire qu’à faire ! Alors pourquoi ne pas commencer par en discuter dans nos associations ?
Interview Samuel Aubin
Samuel Aubin, directeur du Collège des transitions écologiques et sociétales dont Familles rurales est partenaire, travaille les dynamiques collectives concrètes de mise en œuvre des transitions, dans les Pays de la Loire.