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2. Transitions : s’engager au cas par cas

5mn05/03/2023
Temps de lecture : 5mn|Article du 05/03/2023
Experts
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Jean Louis Bergey
Nom
Jean-Louis Bergey
Fonction / poste
Coordinateur Prospective et chef de projet transitions 2050 (ADEME)
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Jérôme Betton
Nom
Jérôme Betton
Fonction / poste
Directeur régional Grand-Est (ADEME)
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Jean-Louis Bergey, coordinateur Prospective et chef de projet transitions 2050 de l’Agence de la transition écologique (ADEME) et Jérôme Betton, directeur régional Grand-Est à l’ADEME,  expliquent comment des choix de société différents peuvent conduire à un même objectif de réduction de nos émissions. 

« Le chemin est collectif, mais tout le monde ne doit pas suivre la même pente »

Vous imaginez différents chemins pour réussir les transitions ? 

Nous avons réalisé un important exercice de prospective, qui a donné lieu à un rapport et des « feuilletons » représentant 2 000 pages avec quatre scénarios permettant d’aboutir à la neutralité carbone (c’est-à-dire capter autant de CO2 que nous en émettons) d’ici 2050. Ces scénarios prennent chacun des voies distinctes et aboutissent à des choix de société différents. Par exemple, le premier scénario pose les bases d’une refondation importante de notre société dans laquelle la transition est conduite par la contrainte, la sobriété et la technologie, tandis qu’avec le quatrième nous conservons nos modes de vie actuels en pariant sur des solutions techniques, la société plaçant sa confiance dans sa capacité à gérer, voir à réparer les systèmes sociaux et écologiques. Entre ces deux scénarios opposés, différentes politiques de gouvernance partagées ou de développement des technologies vertes, permettent également de tendre vers un même objectif de neutralité carbone.

Vous prônez l’adoption de tel ou tel scénario ? 

Non, ce n’est pas notre rôle. En revanche, ces scénarios nous permettent de nous situer par rapport à une certaine réalité, et de voir comment notre société évolue. Chaque fois que des mesures politiques sont prises, nous regardons dans quelle mesure elles ont un impact sur ces différents scénarios. Cela donne des éléments de réflexion permettant de réfléchir à l’articulation avec l’ensemble.

« Si une famille n’a pas les moyens de remplacer son véhicule essence par une voiture électrique, elle peut agir dans d’autres domaines, par exemple isoler sa maison »

Quasiment tous ces scénarios envisagent des restrictions de consommation ; comment ne pas creuser encore les inégalités ?

Il y a 20% de personnes pauvres en France, ce n’est donc pas à elles que l’on va demander de consommer moins. Mais ce n’est pas parce que le chemin est collectif que tout le monde doit suivre la même pente. Si une famille n’a pas les moyens de remplacer son véhicule essence par une voiture électrique, elle peut agir dans d’autres domaines, par exemple isoler sa maison, ou bien s’alimenter avec des produits achetés localement. À chacun de trouver les espaces où il peut avancer, avec ses moyens et ses limites.  J’ai entendu dire par exemple durant ce congrès que « le plan vélo, ce n’était pas pour les zones de montagne ». Eh bien pas forcément. On peut imaginer, dans des zones rurales, et pas seulement dans les plaines, d’aménager de vraies pistes cyclables qui doublent les routes départementales ou nationales. Et en incitant parallèlement des personnes à s’équiper en vélos électriques, on verra peut-être dans quelques décennies des personnes prendre leur vélo même dans les Vosges ou le Jura !

Certains objectifs semblent irréalistes ? 

Non, les possibilités de modification de nos comportements sont bien plus grandes que ce que l’on croit. Par exemple, il n’y a pas de fatalité à consommer plus d’énergie chaque année. Ainsi, chacun de nos scénarios envisagent une diminution de la consommation d’énergie, de 20 à 55 % selon les cas. Parfois, cette diminution est permise surtout par une plus grande sobriété, dans d’autres cas on mise plus sur les solutions techniques, et c’est l’efficacité de la technologie qui fait la différence. L’hiver 2022/2023, nous avons diminué collectivement de 12 % en France notre consommation d’électricité et de gaz. Preuve que des milliers de petits efforts individuels ou collectifs sont payants ! L’important, c’est d’associer les personnes à la réflexion, puis à l’action. Par exemple, en organisant dans les agglomérations des réunions de concertation. Comment éclairer « juste » ? Certaines communes choisissent d’éteindre un réverbère sur deux, d’autres coupent tout éclairage public à partir de 22h, ailleurs on installe des LED… Il n’y a pas une bonne réponse, mais des réponses adaptées. Si le changement est réfléchi, en amont, avec les citoyens, il est accepté par une très grande majorité.  

« Nous avons le devoir d’être optimiste et persévérant, puisque notre rôle est justement d’entrainer les gens sur cette voie des transitions. »

Vous restez optimiste ? 

Si nous ne l’étions pas, il faudrait mieux que nous allions travailler ailleurs ! À l’ADEME nous avons le devoir d’être optimiste et persévérant, puisque notre rôle est justement d’entrainer les gens sur cette voie des transitions. Ce qu’il faut se dire, c’est qu’il y a des solutions, souvent locales, qu’on ne connait pas encore. Par exemple l’usage des vélos cargos à Strasbourg a explosé en cinq ans, c’est une petite révolution verte que personne n’a vu venir ! 
Dans cette optique nous avons lancé l’an dernier un appel à projets très ouvert, « l’eXtrême Défi », pour recueillir toutes les propositions de prototypage d’une catégorie de véhicules sobres, recyclables et efficaces, entre le vélo et la voiture, répondant aux besoins de la transition écologique. Il faut imaginer ces véhicules, puis relocaliser leur production. Qui sait avec quoi nous nous déplacerons dans quelques années ? L’avenir peut nous réserver de belles surprises…